jeudi, mars 22, 2007

La demoiselle sans mains

Un meunier travaillait au moulin de son village depuis aussi longtemps que l’on puisse se souvenir. Il travaillait fort, faisant tourner le moulin à la main et transformant le grain en farine. Avec cet honnête travail, il faisait sa contribution à la vie du village. De temps en temps, un ou deux animaux l’aidaient à accomplir le dur labeur. Un jour, le diable apparut et lui dit : Moyennant un tribut, je te montrerai comment moudre le grain avec beaucoup moins d’effort et beaucoup plus vite.

Le meunier supposa que le diable demanderait le vieil arbre qui se trouvait derrière le moulin et conclut immédiatement l’accord avec lui.

Le diable connecta alors le moulin à une roue qui utilisait l’énergie de la rivière pour le faire tourner plus vite. Le meunier se mit à produire beaucoup de farine qu’auparavant avec beaucoup moins d’effort ce qui le mit de fort bonne humeur, d’autant plus que dorénavant il avait plus de temps libre. Sa femme était occupée avec la comptabilité de la nouvelle entreprise. Quant à la fille du meunier, elle n »était pas concernée par tous ces changements et continuait à mener sa vie, innocente.

Mais le meunier avait oublié qu’il y avait un prix à payer pour tous ces avancements. Ainsi, le diable apparut pour toucher son dû. Le meunier se dirigea vers l’arbre pour l’abattre et le donner au diable mais il fut horrifié lorsqu’il aperçut sa fille assise en dessous. Alors, le diable changea d’idée et demanda la fille comme prix. Le meunier ne voulait pas la lui céder mais séduit parle gain de son moulin, finit par acquiescer. Le diable coupa alors les mains de la fille et les emporta avec lui.

Pendant quelque temps, la fille ne se plaignit de rien. Après tout, il y avait assez de serviteurs à la maison pour s’occuper de tout et elle n’avait pas besoin de faire quoi que ce soit de ses mains. Quand enfin la fille osa se plaindre de sa condition, la mère répliqua qu’elle n’avait besoin de rien faire. La fille goba cette explication. À quoi bon des mains –pensa-t-elle- si tout était déjà fait par d,autres mains?

La vie de la famille se poursuivit mais la fille devenait de plus en plus malheureuse et stressée. Sa vie mécanique lui apparaissait de moins en moins acceptable. Elle commença à pleurer et bientôt ne put plus s’arrêter. Alors se réveilla la sagesse innée à tout féminin et suivant son instinct, elle se leva et partit, toute seule, dans la forêt où elle resta calme et tranquille. Elle avait faim, était piquée par des insectes et n’avait pas de mains pour se nourrir. Mais elle se sentait à la maison dans la solitude apaisante de la forêt.

Par chance elle arriva dans un jardin, le jardin du roi. Mais pour l’atteindre elle devait traverser un marais, ce qu’elle fit péniblement, en s’aidant de toutes ses forces.

Dans le jardin il y avait un poirier que le roi affectionnait beaucoup Chaque poire portait un numéro et une étiquette. La fille s’arrangea du mieux qu’elle put pour manger une poire. Elle mangea une poire par jour et réussit ainsi à rester en vie. Bientôt, le jardinier du roi remarqua que les poires disparaissaient et en fit rapport au souverain. Pour découvrir le malfaiteur, celui-ci se cacha dans le jardin et attendit. C’est alors qu’il fut témoin de la tâche pénible à laquelle se livrait le jeune fille pour se nourrir et tomba immédiatement amoureux d’elle,

L’ayant épousée, le roi lui fit cadeau d’une paire de mains en argent et fit d’elle sa reine, la présentant à la cour avec ses nouvelles mains argentées.

Avec le temps, la reine mit au monde un garçon. Mais un jour, elle commença à pleurer et ne put s’arrêter car elle voulait prendre soin de son bébé avec ses mains qu’elle n’avait pas et cette fois-ci, la logique du roi ne put pas s’imposer et elle continua a verser des larmes, une mer de larmes salées.

Elle partit alors, et emmena son fils dans la solitude de la forêt. De la même façon qu’elle s’était déjà sauvée une fois, elle se sauva cette fois-ci de la domination plus subtile mais non moins dangereuse du roi. Le roi était terrifié à l’idée de perdre sa femme parce qu’il l’aimait vraiment mais son amour avait été unilatéral et était devenu une prison pour elle.

Mais voilà qu’un événement tragique se produisit. En effet, le bébé tomba dans la rivière et elle vit avec horreur qu’il se noierait si on ne faisait rien immédiatement. Elle appela au secours mais personne n’accourut. Alors, elle plongea ses mains d’argent dans l’eau et sauva l’enfant. Et c’est à ce moment-là que le miracle se produisit. Elle avait retrouvé ses mains.

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